- NYAYA
- NYAYANY YAL’un des darshanas de la tradition brahmanique, celui qui correspond à la logique. Cette tradition, en effet, répartit la matière des spéculations philosophiques visant à l’interpréter en six approches possibles, qu’elle nomme darshanas (dar ごana ), c’est-à-dire «points de vue», «façons de voir les problèmes». Il ne s’agit pas, par là, de mettre en doute les fondements de la doctrine, mais simplement de trouver un moyen plus adéquat de l’exposer à des auditeurs qui s’intéressent à tel aspect de la réalité plutôt qu’à tel autre: ainsi le Sâmkhya est-il une présentation «cosmique» du brahmanisme, le Yoga son application sur le plan de la psycho-physiologie, le Vedânta sa métaphysique, etc. On s’explique donc que tous ces «systèmes» partent des mêmes bases (validité de la parole védique, existence des dieux, organisation de l’univers selon les lois du Dharma, etc.) et se proposent le même objectif: assurer le salut de l’individu en lui enseignant le moyen d’obtenir la délivrance (mok ごa ou mukti ) des liens de la transmigration.Cela permet de comprendre que l’épistémologie, combinée avec une méthodologie et une logique en un «système» appelé Nyâya (ni ya : «méthode», «règle»), puisse être tenue pour salvatrice et se suffisant à elle-même, au moins en théorie. On donne également à ce darshana les noms de Tarka-Vidyâ (Science du raisonnement) et de Vâda-Vidyâ (Science du discours), qui indiquent que la logique proprement dite n’est que l’un des éléments de la doctrine.Comme il est de règle en la matière, le premier texte que l’on possède de ce système est un ensemble d’aphorismes reliés les uns aux autres en une chaîne continue (s tra , «fil»). Ces Nyâya-Sûtras (début de l’ère chrétienne) constituent l’ouvrage de base, le traité fondamental sur lequel se greffent de nombreux commentaires. Certains de ceux-ci sont de véritables œuvres originales, branchées sur le tronc commun, mais très autonomes par rapport à lui. Le Bhâshya (Commentaire) de Vâtsyâyana (peut-être du VIe s.) est le plus fidèle; les exposés de Vâchaspati Mishra (IXe s.) et de Jayanta (Xe s.) sont remarquables de précision et de clarté. Mais, à partir de Gangesha (XIIe s.), on voit apparaître et se développer une forme nouvelle d’interprétation des Nyâyas-Sûtras , que l’on nomme Nava-Nyâya (Nouvelle Logique) et dont les maîtres les plus célèbres sont Vâsudeva (XVe s.) et Raghunâtha Shirimani (XVIe s.).Sans entrer dans le détail des conceptions propres au Nyâya, il convient de préciser que le syllogisme indien est semblable à celui des Grecs, à cette différence près qu’un terme supplémentaire est ajouté à la fin sous la forme d’un exemple. Après avoir établi qu’il y a certainement un feu sur la colline où l’on aperçoit de la fumée, «parce qu’il n’y a pas de fumée sans feu», le Nyâya ajoute: «comme dans la cuisine». C’est là une forme extrême de réalisme propre à la philosophie hindoue, qui se refuse à avancer une proposition sans s’assurer qu’elle peut être vérifiée par référence à la réalité la plus triviale: les concepts de feu et de fumée sont encore trop abstraits pour être d’authentiques garants de la validité d’un raisonnement; il s’impose d’aller vérifier dans la cuisine qu’effectivement il n’y a pas de fumée sans feu. Et les tenants du Nyâya ne sont pas loin de considérer que c’est cette vérification qui constitue le meilleur pramâna «moyen d’obtenir une connaissance valide»).Si l’on songe qu’aux yeux de la tradition brahmanique le seul pramaya (objet de connaissance) intéressant est la voie conduisant au salut, on saisit comment un raisonnement de ce type témoigne de la forme particulière de la pensée religieuse hindoue, pour laquelle toute expérience «mystique» doit être «prouvée» par des signes extérieurs: prodiges, miracles, modifications physiologiques, etc. Ainsi se trouve-t-on aux antipodes de la logique occidentale, du moins de celle qui se réclame d’Aristote.
Encyclopédie Universelle. 2012.